Tribune de Guillaume Garot Pas de redressement productif sans une juste rémunération
Selon le ministre délégué à l’Agroalimentaire, les entreprises seront plus compétitives pour aider la France à retrouver sa place de deuxième exportateur mondial de produits agroalimentaires, si elles savent prendre le virage de la transition écologique. A condition cependant de garantir, aux agriculteurs, des marges suffisantes pour les inciter à produire plus, à dégager un revenu et à investir. Une tribune extraite de Terre-net Magazine n°28.
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« Notre agriculture et nos filières agroalimentaires sont deux grandes forces de la France. Elles constituent une dimension essentielle de notre puissance économique et de notre capacité à exporter. Ensemble, elles pèsent positivement pour 12 milliards dans notre balance commerciale. Ensemble, elles pèsent près d’1,5 million d’emplois sur nos territoires. Cette force a été oubliée, délaissée et nous sommes passés de 2002 à 2012 de la 2ème à la 4ème place mondiale en termes d’exportations.
A l’heure du questionnement sur le redressement productif de notre pays, il est temps de dire l’importance systémique des agricultures et des industries agroalimentaires. Il sera désormais impossible de penser ces secteurs indépendamment l’un de l’autre. Sans production primaire, ni abattage ni transformation.
Réorienter notre modèle par le défi vert
Penser en système de production alimentaire permet de comprendre les solidarités qui s’imposent à tous les acteurs. Que l’on fragilise un maillon, l’ensemble de la chaîne sera fragilisé. Que l’on aborde la question des prix ou des marges des producteurs et des distributeurs, il faut retrouver une juste distribution de la valeur collective.
A chaque échelon, l’absence de juste rémunération rognera les marges et, à terme, les capacités des entreprises à investir, innover, se projeter dans l’avenir. La lutte sur les prix est bien évidemment légitime. Elle ne doit cependant pas aboutir à la destruction de valeur, prémices à la désindustrialisation et aux pertes d’emplois. Une économie dynamique crée de la valeur, elle ne la détruit pas.
Cessons de croire qu’il nous faut imiter ce qui se fait ailleurs. Il nous faut nous réinventer. Le préalable de la construction de démarches de filières solidaires est fondamental pour permettre à la France d’utiliser au mieux ses atouts, qui sont ceux de la deuxième puissance agricole mondiale, d’un pays riche de sa recherche, de sa main-d’œuvre, de son modèle fondé sur la qualité et la diversité de son offre alimentaire. A ce titre, les résultats obtenus par Stéphane Le Foll sur la Pac 2014-2020 sont essentiels : ils nous permettrons, en étant plus justes dans la répartition des soutiens, de défendre notre modèle en le réorientant par le défi vert et de consolider ce modèle qui allie proximité et capacité exportatrice.
La compétitivité de notre industrie est au cœur des enjeux. Elle ne peut se résumer au coût de la main-œuvre, aussi importante soit cette question dans certains secteurs. C’est aussi une rénovation et une adaptabilité plus grande de nos outils industriels, de nos modes de fonctionnement que nous devons construire. La capacité d’inventer de nouvelles dynamiques économiques, plus intégrées, doit être aussi interrogée. L’innovation est partout indispensable, elle permet de créer des dynamiques, de nouveaux produits ou de rendre les produits plus attractifs.
Produire mieux et plus rentable
L’investissement est au centre de cet enjeu. Avec Stéphane Le Foll, nous avons mis l’accent sur la transition écologique de la production agricole et industrielle : produire mieux et plus rentable. Les entreprises, les industries les plus performantes, qui sont les plus efficaces, qui génèrent de la plus-value, des capacités d’investissement et d’emploi, sont celles qui ont su prendre le virage de la transition écologique. Nous sommes à la croisée des chemins, c’est aujourd’hui qu’il faut faire ce choix stratégique et crucial.
La transition écologique, c’est aussi la promotion des circuits courts et l’attachement des productions aux territoires, qui sont plébiscités par les consommateurs. C’est un des vecteurs du rétablissement de la confiance. Mais ça ne sera pas l’alpha et l’oméga de l’alimentation. Pour nourrir 9 milliards d’êtres humains en 2050, nous aurons besoin de tous les circuits ! Il ne faut pas opposer les uns et les autres, mais plutôt promouvoir les complémentarités.
La transition écologique, c’est enfin la lutte contre le gaspillage alimentaire. La Fao estime en effet qu’environ un tiers des aliments produits pour la consommation humaine chaque année est perdu ou gaspillé. Ce n’est pas qu’un problème de l’Occident, qui jette trop parce qu’il consomme mal. C’est un enjeu essentiel aussi pour les pays du Sud où, si la production agricole était récoltée plus efficacement, s’il y avait davantage de capacités de stockage, de transformation alimentaire sur place, il y aurait beaucoup moins de pertes.
Des marchés à conquérir
Au-delà du défi vert, cultivons nos forces. La qualité est la principale, qui permet de dégager davantage de plus-values, et donc des marges pour l’investissement et l’emploi. Et c’est là que se crée le cercle vertueux qui fait que l’audace nourrit la croissance et la prospérité des acteurs.
Des marchés sont en effet à conquérir. Le marché intérieur tout d’abord : est-il acceptable d’importer 40 % du poulet que nous consommons ? Clairement non. Il y a sur notre marché intérieur le potentiel pour faire travailler davantage nos filières alimentaires et développer l’emploi. Il y a des stratégies à repenser et des positionnements à modifier pour satisfaire les besoins qui aujourd’hui alimentent nos importations.
Conquête des marchés internationaux ensuite. Avec Nicole Bricq, la ministre en charge du commerce extérieur, nous avons bâti un plan stratégique pour l’export. Nous misons d’abord sur nos formidables atouts : le modèle alimentaire français, basé sur la qualité, la diversité et la sécurité, est apprécié et connu dans le monde entier. Il y a un goût pour les produits français qu’il ne nous revient qu’à combler, en particulier dans les marchés émergents où la classe moyenne veut consommer de bons produits qui véhiculent une belle image.
Nous voulons accompagner les entreprises françaises, et en particulier les Pme, sur la durée, leur donner les moyens de se projeter et de vendre leurs produits, en mutualisant les coûts sur les salons internationaux. Nous voulons les former, également, à faire face aux barrières non tarifaires, qui sont souvent le principal obstacle.
C’est par ce mouvement que nous pourrons assurer le redressement productif. »
Cet article est extrait de Terre-net Magazine n°28
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